De la citoyenneté stato-nationale à la citoyenneté européenne: quelques éléments de conceptualisation

Les approches traditionnelles de la citoyenneté européenne soulignent la rupture avec le modèle stato-national de citoyenneté. Les théoriciens de ce paradigme mobilise l'idée d'une citoyenneté postnationale ou supranationale. Ils imaginent le future de la politique européenne avec l'aide de nouveaux concepts. Après une brève revue des théories et des concepts, cet article propose de manière critique une autre analyse de la citoyenneté européenne. Il examine le future de la citoyenneté européenne dans la continuité de la politique stato-nationale en matière d'identité et de citoyenneté. L'objet du présent article revient à situer cette appartenance civique, grâce à une analyse socio-historique de sa genèse, à en cerner la spécificité autour des principaux concepts qui en forment la substance (droits et devoirs, identité politique, pluralisme démocratique, code moral et cohésion sociale).     

Etat européen ou Union européenne à vocation fédérale?

Le concept d'Etat européen appliqué à l'Union européenne est inappro-prié. Celui d'une Fédération européenne est plus adéquat. Ce choix est fondé sur l'analyse de la Communauté européenne depuis ses origines, puis de l'actuelle Union européenne issue de l'Acte unique européen et des traités de Maastricht et d'Amsterdam: la Fédération des Nations eu-ropéennes reflète bien mieux la réalité de l'intégration européenne. Le but de cet article est de faire la démonstration systématique de la vali-dité de ce choix en procédant de la façon suivante: Le pourquoi de l'inadéquation du concept d'Etat européen suivi de l'analyse des traits caractéristiques de l'Union européenne: institutions, acteurs et proces-sus de décision. La quête du Gral: l'innovation politique et le potentiel original de l'Union européenne tels qu'ils se dessinent dans les traités de Maastricht et d'Amsterdam.     

Modèles de citoyenneté et mobilisation politique des migrants en Suisse: Le rôle des cantons

La littérature récente sur la mobilisation politique des migrants a mis en évidence l'impact des modèles de citoyenneté nationaux sur celle‐ci comme structure des opportunités politiques spécifique au champ de l'immigration et des relations ethniques. Cette approche contient néanmoins des limites, particulièrement pour le cas de la Suisse caractérisée par le fédéralisme d'exécution dans le domaine de la naturalisation et de l'intégration des migrants. Ainsi, la marge de man?uvre laissée aux cantons en la matière permet de construire une typologie de modèles de citoyenneté cantonaux inspirée de la typologie nationale. L'hypothèse est que les modèles de citoyenneté cantonaux influencent la mobilisation des migrants sur le plan local en Suisse, non seulement au niveau de la participation mais également au niveau thèmes abordés. Une analyse des revendications politiques des migrants dans les cantons suisses nous permet de vérifier cette hypothèse. En effet, nous montrons que la participation et les thèmes abordés diffèrent selon les pratiques cantonales en matière de naturalisation et d'intégration des migrants.     

La formation des opinions dans les votations populaires de politique extérieure

Ce texte résume et complète les principaux résultats d'une recherche consacrée à l’étude de la formation des opinions dans les votations populaires de politique extérieure. Guidée par le modèle théorique élaboré par John Zaller et basée sur une réanalyse des enquêtes VOX de la période 1981‐1995, cette étude montre que la formation des opinions en politique extérieure ne constitue pas un cas particulier, mais se distingue seulement des autres domaines politiques du point de vue des conditions sous lesquelles elle se produit (intensité des campagnes référendaires, type et niveau de conflit au sein de l’élite). Les analyses multivariées conduites dans ce texte confirment et enrichissent nos résultats antérieurs, en mettant en particulier en exergue l'importance du niveau de formation et des ressources cognitives relatives pour le soutien des projets gouvernementaux en     

Homo– et hétérogamie dans les attitudes et le comportement politique en Suisse

Ce texte est consacré au comportement politique de partenaires hétérosexuels vivant en couple, interrogés durant la première vague d'en quête du Panel suisse de ménages ( www.swisspanel.ch ). L'hypothèse générale défendue est que le comportement politique est influencé par une multitude de flux et d'interactions personnelles, notamment au sein du foyer. Considérant les caractéristiques des deux partenaires d'un couple, plutôt que d'interroger un individu isolé de son contexte familial, comme c'est généralement le cas dans les études électorales, on peut raffiner l'analyse et l'interprétation du comportement politique. Les résultats présentés montrent notamment que les comportements politiques sont indubitablement convergents au sein des couples, mais qu'il existe aussi une large part d'autonomie pour chacun des partenaires. Ils mettent en évidence l'influence prééminente de l'homme dans les foyers, ainsi que le faible impact des variables socio‐démographiques quant à l'explication du comportement politique.     

Les femmes au Parlement européen: Effets du mode de scrutin,des stratégies et des ressources politiques. L'exemple de la délégation française

Cet article vise à apporter des éléments d'explication quant à la féminisation des élus français au Parlement européen. S'il semble nécessaire de prendre en compte le mode de scrutin, ses effets ne peuvent véritablement se comprendre qu'en relation, d'une part avec la position du Parlement européen dans le champ politique français et d'autre part avec la configuration propre des luttes sociales et politiques qui traversent l'espace public français au cours des années 1990. C'est dans ce cadre que le genre constitue une ressource politique plus rentable au Parlement européen qu'au parlement français, avec pour conséquence la promotion de femmes moins familiarisées avec l'exercice du métier politique; des femmes qui de ce fait s'orientent davantage vers des formes de « bonne volonté » parlementaire et des stratégies de surinvestissement des rôles politiques européens. La spécificité relative des postures qu'elles adoptent au sein de l'institution renvoie donc moins à une hypothétique « nature féminine », qu'à un ensemble de processus sociopolitiques.     

L'influence des campagnes politiques sur le vote: le cas des élections suisses de 1995

Cet article vise à montrer de quelle manière une campagne électorale peut influencer le vote, en se basant sur le cas des élections fédérales suisses de 1995. L'auteur part du modèle de Zaller, qui décrit la formation des opinions par l'interaction entre le discours politique, les préférences des individus et leur niveau de sophistication politique. Ce cadre théorique est ensuite adapté à la situation électorale, en tenant compte du moment du choix et du sentiment de proximité partisane. L'analyse empirique, qui porte autant sur le niveau fédéral que sur différents contextes cantonaux, est réalisée à l'aide de régressions logistiques. Les résultats obtenus confirment en bonne partie les hypothèses théoriques dans certains cas, mais révèlent des situations contradictoires dans d'autres contextes. L'auteur suggère en conclusion une explication à ces cas divergents, qui établit un lien entre l'intensité des campagnes et la motivation des électeurs à mieux s'informer.     

Gouvernance métropolitaine et démocratie: l'exemple des politiques de lutte contre la drogue

Cet article discute le thème de la gouvernance métropolitaine dans le contexte helvétique, sur la base d'une étude du cas de la politique de la drogue. La première partie montre l'émergence de mécanismes de gouvernance métropolitaine en matière de toxicomanie, en réponse à la fragmentation institutionnelle importante des agglomérations helvétiques. Il s'agit de réseaux associant acteurs publics et privés avec des horizons territoriaux divers, permettant un pilotage politique relativement indépendant du découpage territorial institutionnel. Deux types différents de gouvernance métropolitaine en matière de drogue sont identifiés. La deuxième partie de l'article aborde la question de savoir si ces mécanismes de gouvernance métropolitaine ne contribuent pas à dissocier les territoires de l'action publique et l'espace de la participation démocratique. Les résultats de l'analyse montrent que l'imputation de l'action aux élus est toujours possible, et que le contrôle exercé par les citoyens lors de votes populaires reste important. De plus, les mécanismes de gouvernance métropolitaine ont donné lieu à de nouvelles plates‐formes de débat, favorisant l'émergence d'une optique d'agglomération dans le débat politique surle thème de la drogue.     

Apprendre pour le futur: Une analyse de la politique climatique suisse

Cet article constitue une contribution à l'analyse des politiques publiques en Suisse. Concrètement et en appliquant une approche bi‐dimensionnelle, il explique l'output actuel de la politique climatique suisse en tenant compte des structures et préférences au sein de l'élite politique. Sur la base de l'Advocacy Coalition Framework, l'article étudie l'existence de coalitions, les rapports de force et les préférences politiques. d'une part, l'analyse de réseau encadre l'étude empirique des structures et relations au sein du réseau d'acteurs du processus de décision autour de la loi sur le CO2. D'autre part, l'analyse multicritère fournit une évaluation des systèmes de croyances de l'élite en se basant sur un algorithme mathématique sophistiqué. Cette combinaison méthodologique constitue la valeur ajoutée de ce travail et permet une conclusion plus complémentaire pour expliquer le choix des instruments climatiques actuels. Le but principal de cette contribution est ensuite de tirer des leçons pertinentes pour la formulation d'une politique climatique future qui suivra après 2010/2012.     

Quelles Réponses Politiques Face à la Globalisation et à la Construction Européenne? Illustration à Partir de la Révision de la loi Suisse sur les cartels

Pour les petits Etats européens, comme la Suisse, qui avaient réussi à concilier stabilité politique et flexibilité économique, les années 90 marquent un tournant important par l'ampleur des mesures de libéralisation réalisées ou en cours. L'"ajustement" à l'évolution de l'environnement international ne se limite plus aux secteurs déjà soumis à la concurrence internationale mais touche l'ensemble de l'économie: agriculture, entreprises publiques, marchés publics, marché du travail, réglementation de la main d'oeuvre étrangère ou encore promotion de la concurrence sur le marché intérieur. Alors que l'ancienne législation sur les cartels se caractérisait par sa permissivité et sa faible portée, la nouvelle loi s'apparente dans ses grandes lignes au droit européen de la concurrence. Après une présentation des particularités de l'ancienne loi, le texte analyse le processus de révision: les impulsions internes et externes, le rôle des acteurs impliqués et les coalitions qui ont permis l'aboutissement de cette révision. Pour terminer, nous revenons sur quelques considérations théoriques plus générales.     

Entre cohérence et efficacité: la Suisse dans les négociations bilatérales avec l'Union Européenne

Comment conduire la politique extérieure suisse? Cet article s'intéresse aux négociations bilatérales entre la Suisse et l'Union européenne et cherche à évaluer la “cohérence” et “l'efficacité” des choix stratégiques du gouvernement suisse. A l'aide d'un cadre d'analyse incorporant des outils de la théorie des jeux, nous examinons les options et stratégies mises en oeuvre par le Conseil fédéral afin de concilier contraintes internes et contraintes internationales – ce que nous nommons la “cohérence” – ainsi que les liens entre cette recherche de cohérence et la capacité du Conseil fédéral à conclure un accord avec l'UE – ce que nous nommons “l'efficacité”. Nous nous concentrons sur les deux volets les plus sensibles des négociations bilatérales: les transports terrestres et la libre‐circulation des personnes. Dans le cadre des contraintes internes existantes, la difficulté première du Conseil fédéral a consisté à trouver une cohérence d'action basée sur des perceptions réalistes de la situation externe. Face à cette difficulté, le Conseil fédéral a globalement fait preuve d'habileté stratégique, en particulier dans le cas des transports terrestres. Dans ce cas, sa redéfinition de l'espace de négociation a permis de surmonter le dilemme existant entre cohérence et efficacité.     

Politiques du care et gouvernement de la vie: Une typologie des pratiques locales en Suisse

Le concept de « care » rend compte des activités et des relations relatives à la prise en charge des situations de dépendance (petite enfance, personnes âgées, handicap). Sur la base du cas Suisse, cet article soutient que les politiques locales du care participent à une forme de gouvernement de la vie. Dans la première partie, théorique, je propose de rattacher le care aux théories contemporaines sur le biopouvoir, en tant que mode de régulation de la vie dans sa dimension sociale; puis, je présente un cadre d'analyse du care permettant la comparaison des politiques publiques concrètes du care comme biopolitiques. Dans une seconde partie, empirique, je compare six politiques locales menées en Suisse. Cette analyse permet de mettre en évidence trois types idéaux de gouvernement de la vie et d'en discuter les implications normatives.     

Le soutien aux autorités lors des votations fédérales de 1971 à 1999 dans les cantons suisses

Cet article vise à expliquer les variations inter‐cantonales du succès des autorités ainsi que du soutien populaire qui leur est accordé en votation fédérale entre 1971 et 1999. A cette fin, l'auteur cherche à intégrer deux courants de recherches dans un cadre d'analyse unique en déterminant l'impact respectif des mots d'ordre des partis politiques et des facteurs socio‐structurels sur le résultat de vote ainsi que leur effet conjugué. L'analyse empirique, qui est situé au niveau cantonal, est réalisée à l'aide d'une régression logistique et d'un modèle d’équations structurelles. Les résultats obtenus montrent que le caractère alémanique, catholique et agraire d'un canton se traduit par une réticence face à la politique des autorités, qui peut s'amplifier selon le type juridique de la votation et l'enjeu politique soumis au vote. Plus qu'ailleurs, les partis politiques de ces cantons s'alignent cependant fermement derrière la recommandation de vote des autorités et exercent, de ce fait, un effet atténuateur qui contribue au nivellement des disparités inter‐cantonales. Ces résultats suggèrent ainsi que les partis politiques cantonaux réussissent, dans une certaine mesure, à contrôler le résultat de vote par le biais d'une concertation accrue durant la phase référendaire.     

Problèmes de mise en œuvre de la politique sociale en milieu urbain: l'exemple des services médico-sociaux pour consommateurs de drogues

Peut-on parler de spécificités locales en matière de politique sociale? Le but de cet article est de démontrer qu'au niveau local, le champ de la politique sociale est structuré par une problématique spécifique de coexistence territoriale entre “exclus” et “intégrés”, qui se superpose au débat politique plus global sur l'organisation de la solidarité sociale. A cette fin, l'auteur analyse les enjeux liés à la mise en oeuvre de services médico-sociaux pour consommateurs de drogues illégales en Suisse. Les conflits relatifs au choix de sites pour ces services révèlent des dynamiques diverses. D'une part, les processus d'urbanisation sous-tendent une problématique concernant la “place légitime” dans la ville des populations stigmatisées, et d'autre part, la mise en oeuvre de ces services s'expose à des oppositions de principe, provenant d'acteurs qui exploi-tent leurs ressources locales de pouvoir. Les dispositifs de médiation à Bâle et à Genève témoignent pourtant qu'il est possible de surmonter ces conflits. En permettant l'implication des parties concernées, la médiation confère alors au local un caractère pleinement politique.     

La Communauté Européenne,Entre Etat FéDéral et FéDération D'Etats

Du traité de Rome au traité d'Amsterdam, la construction européenne a élaboré sa Constitution politique latente. Entre Etat fédéral et Fédération d'Etats, il s'agit de la quête d'un concept. Deux paradigmes juridiques sont mis à l'épreuve: l'idée d'un droit des citoyens du monde qui se voit aujourd'hui réactualisée dans la perspective d'une démocratie cosmopolitique supposant un véritable Etat (Habermas, Held), et le droit des peuples, réinvesti dans la perspective constructiviste d'une "société politique des nations bien ordonnés" (Rawls). Paradigme "supranational" des droits de l'homme, ou paradigme "international" du droit des gens. La Constitution implicite de l'Union européenne ne se réduit pas à celle d'une Société des nations. Son originalité consisterait plutôt à consacrer, sur le plan d'un droit des gens, les valeurs transposées des droits de l'homme, ceci sur un spectre large qui comprendra sans doute les droits d'intégrité (ou droits civils fondamentaux), de par-ticipation (droits civiques fondamentaux), de solidarité (droits sociaux fondamentaux), de personnalité (droits moraux fondamentaux).     

Jeunes,participation politique et participation sociale en Suisse. Une étude de cas

L’étude aborde la relation entre participation politique et participation sociale auprès des jeunes au seuil de la vie adulte. Maints travaux sur le sujet prétendent que les jeunes sont de moins en moins attirés par la participation aux élections et/ou l'adhésion partisane et semblent privilégier un engagement de type associatif. Les résultats d'une étude de cas réalisée par les auteurs auprès de la Haute École spécialisée de la Suisse italienne ont montré que, durant cette période de la vie, marquée par le difficile processus de transition qui amène le jeune adolescent au statut d'adulte, la relation entre participation sociale et participation politique varie considérablement; cette variation pourtant, n'est pas linéaire, ce qui semble redevable, en partie du moins, des caractéristiques propres à ce processus de transition – de plus en plus long et complexe ‐ vers l’âge adulte.     

Les Acteurs non étatiques et la Politique Européenne de la Suisse

Les résultats principaux de cette recherche ont été obtenus, grâce à une enquête par questionnaire, auprès de 232 représentants de la société civile du pays. Les répondants sont favorables à l'adhésion à l'Union Européenne et à une intensification des échanges avec les pays d'Europe centrale et orientale. Par ailleurs, ils fustigent la timidité du gouvernement ou son absence de vision. Mais cette critique est tempérée par le fait que nos interlocuteurs sont conscients de la faible marge de manoeuvre des dirigeants du pays. En outre, les acteurs non étatiques ne manquent pas de souligner le dynamisme des opposants à l'Europe tandis qu'un sentiment d'apathie politique se dégage du côté patronal et des entreprises. Un autre élément concerne les moyens d'action officieux. Certes, les acteurs non étatiques n'ignorent nullement l'influence du processus formel en politique européenne. Toutefois, ils accordent une place très importante aux moyens d'action informels. Ainsi l'on peut mieux comprendre le rôle attribué aux dirigeants des associations socio-professionnelles, à la création des réseaux et à l'accès aux canaux d'influence.     

Les parlementaires suisses entre démocratisation et professionnalisation, 1910–2000

L'analyse du profil sociographique des élites politiques, notamment des parlementaires, a été largement délaissée en Suisse depuis les années 1970. En outre, la Suisse n'a pas été retenue par les récents travaux comparatifs portant sur différents parlements européens. Cet article vise, d'une part, à mettre en perspective comparée le cas suisse, et d'autre part, à prolonger les études réalisées durant les années 1970. À partir de l'analyse sociographique de cinq cohortes de parlementaires fédéraux (1910, 1937, 1957, 1980, 2000) durant le 20ième siècle, nous mettons en évidence l'évolution de la composition du Parlement sous l'angle de sa démocratisation et de sa professionnalisation récente. Nos résultats permettent de mettre en évidence les spécificités du Parlement helvétique en comparaison européenne. Celles‐ci tiennent d'abord à la prédominance de la catégorie des indépendants, notamment des avocats, ainsi qu'à une sous‐représentation des salariés du secteur public. Les parlementaires suisses se caractérisent également par un plus fort ancrage local et par une longévité parlementaire très élevée.     

Multiculturalisme et démocratie: quelques implications pour la théorie de la citoyenneté

La dynamique sociale et politique du multiculturalisme constitue un défi pour la conception libérale traditionnelle de la citoyenneté. L'article part du constat que ce phénomène se caractérise essentiellement par une dispersion des identités et par la coexistence d'une multiplicité d'allégeances culturelles. Sa spécificité tient au fait qu'un nombre croissant d'individus ou de groupes sociaux ressentent leur caractérisation identitaire comme étant “non-négociable”. Dès lors, la citoyenneté n'est plus en mesure de constituer le ferment de l'identité politique, ce qui représente une menace importante pour le fonctionnement et la légitimité des démocraties libérales. En tentant de surmonter les impasses auxquelles se heurtent les perspectives libérale et communautarienne de la citoyenneté, l'auteur propose un modèle fondé sur une articulation de la citoyenneté en tant que “règle” et en tant que “contenu”. Ce modèle a pour finalité d'assurer une plus grande intégration des minorités culturelles, au travers d'un processus égalitaire d'élaboration des principes susceptibles d'orienter la politique de la communauté.     

Rétributions du militantisme et paradoxes de l'action collective

L‘observation montre que l‘activité militante génère des rétributions qui la stimule en retour. La prise en compte de ces rétributions est un élément important de la compréhension des investissements et désinvestissements militants. Cette hypothèse apparaît pourtant iconoclaste et hérétiques à beaucoup d‘acteurs et aussi de chercheurs. C‘est que les univers militants sont officiellement désintéressés et censurent l‘existence d‘intérêts propres distincts de l‘attachement à la cause de l‘action collective. Mais les résistances sont aussi un effet des difficultés des sciences sociales à rendre compte des états de “conscience“ (ou d‘aperception) des intérêts socialement censurés. De ce point de vue, l‘hypothèse de rétributions “inconscientes“ et aussi inadéquate que la conception cynique d‘une recherche délibérée. L‘analogie de la scotomisation permet de comprendre comment des rétributions du militantisme peuvent être à la fois aperçues et refusées. Mais les rétributions, comme les coûts, de l‘action collective n‘existent pas en eux‐mêmes. Ils se constituent comme tels tout au long de l‘itinéraire militant. L‘importance qui leur est attribuée varie selon les étapes et les moments de la carrière militante. L‘existence de rétributions dépend également de l‘adéquation entre les satisfactions offertes par les “styles“ de fonctionnement d‘une organisation et les attentes de ceux que l‘organisation est en mesure d‘attirer. L‘investissement dans la cause est notamment une condition des rétributions du militantisme. Mais les gratifications associées à cet investissement sont en compétition avec celles que l‘on peut retirer d‘autres activités. L‘attractivité de la cause est une condition pour que les satisfactions de l‘engagement gardent suffisamment de prix pour stimuler le militantisme.