Rétributions du militantisme et paradoxes de l'action collective

L‘observation montre que l‘activité militante génère des rétributions qui la stimule en retour. La prise en compte de ces rétributions est un élément important de la compréhension des investissements et désinvestissements militants. Cette hypothèse apparaît pourtant iconoclaste et hérétiques à beaucoup d‘acteurs et aussi de chercheurs. C‘est que les univers militants sont officiellement désintéressés et censurent l‘existence d‘intérêts propres distincts de l‘attachement à la cause de l‘action collective. Mais les résistances sont aussi un effet des difficultés des sciences sociales à rendre compte des états de “conscience“ (ou d‘aperception) des intérêts socialement censurés. De ce point de vue, l‘hypothèse de rétributions “inconscientes“ et aussi inadéquate que la conception cynique d‘une recherche délibérée. L‘analogie de la scotomisation permet de comprendre comment des rétributions du militantisme peuvent être à la fois aperçues et refusées. Mais les rétributions, comme les coûts, de l‘action collective n‘existent pas en eux‐mêmes. Ils se constituent comme tels tout au long de l‘itinéraire militant. L‘importance qui leur est attribuée varie selon les étapes et les moments de la carrière militante. L‘existence de rétributions dépend également de l‘adéquation entre les satisfactions offertes par les “styles“ de fonctionnement d‘une organisation et les attentes de ceux que l‘organisation est en mesure d‘attirer. L‘investissement dans la cause est notamment une condition des rétributions du militantisme. Mais les gratifications associées à cet investissement sont en compétition avec celles que l‘on peut retirer d‘autres activités. L‘attractivité de la cause est une condition pour que les satisfactions de l‘engagement gardent suffisamment de prix pour stimuler le militantisme.